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 Charpies d'une vie

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Grumpy

Grumpy
 

Sexe :
  • Femme

Classe :
  • Druide

Age du personnage : 26

Charpies d'une vie Vide
MessageSujet: Charpies d'une vie   Charpies d'une vie EmptySam 5 Mar - 17:06

Je vais me noyer.

L’air me manque, mon cœur s’emballe affolé de se retrouver ainsi pris au piège dans sa geôle charnelle. Les barreaux s’ébranlent de mes coups de poings répétés, je veux sortir, je ne veux pas crever ! Pas ici, pas seule. Le geôlier m’ignore, j’entends ses pas monotones sur les pavés, insensibles il déambule le bougre, rythmant la cadence de ses souliers ferrés. Marche funèbre. Alors j’hurle, je le supplie, je lui promets des trésors qu’un homme ne pourrait refuser, mais la mesure de ses pas ne s’altère pas. Mes doigts glissent sur les barreaux, je m’écroule. Ma tunique fuit les eaux, elle vient même à me précéder et mon air devient mer. Je crève. Je m’enivre de ce liquide salé parmi les vagues écumant ma geôle. Je hurle, je m’insurge, et mes cris se perdent en des bans de bulles qui filent, effrayées, vers la surface. Je toussote, je balbutie. Je m’étouffe.

Les bulles azur éclatent, ma langue les goûte. Doucereuse aigreur. Mes souvenirs fusent, je me revois attablée, une plume d’oie dissimulée dans ma main brune de calle. Les arômes de l’encre se déchainent sur mes narines, je suffoque.

L’atmosphère s’alourdit, mes yeux me piquent. Je tousse. Erreur fatale. La fumée s’insinue profondément en moi me lancinant les bronches dans sa fuite éperdue. Elle me transperce, je deviens fumerolle, et mon corps vaporeux chaloupe dangereusement alors que mes ongles se referment durement sur ma gorge généreuse. Au feu ! A l’aide ! Les vapeurs se jouent de mes hurlements et les avalent goulûment. Mon corps se meurt. Il brûle. La cendre noircit mes joues blafardes, fond de teint caustique. Le plafond en feu caresse désormais mon front de ses fumerolles suaves, et je me targue de ses délices charnels.


Eau et feu se disputent le trépas de ma plume d‘oie.
Dévorées par les flammes les barbes jonchent le bois de leurs cendres souris, bien vite englouties par l’encre quinaude.


Dans un torrent de lave parme je me perds. Balayée par les eaux en feu je m’embrase de nouveau avant d’être submergée. N’y a-t-il personne pour m’aider ?
Les visages lugubres des hommes couchés sur le papier me sourient béatement. Leurs mains purulentes se tendent en ma direction, me désignant d’un regard qui se veut orgastique à la Faucheuse adossée au pilier de cire. Ses esclaves faméliques non loin rient de ma disgrâce, et m’incluant dans leur ballet satanique se jouent malignement de ma carcasse. Les charognes suintent de mes restes, et dans ce dégueulis de chair putréfiée je me baigne plantureusement. Voluptueux bain que m’offre ma nouvelle matrice encapuchonnée. Dans l’obscurité et les cris je renais. Ovation démoniaque. D’une main fiévreuse, la Dame me caresse le front s’enorgueillissant de son œuvre. Dans la gerbe je disparais à trop dégobiller leur bectance putrescente.

Noyée en Enfer.

Les blés se sont noircis. Je souffle sur les dernières braises, et suffoque dans l’encre. La cire a glacé mes boucles dans des spirales affolées, et mon front bariolé témoigne encore du combat qu’ont mené feu et eau. Mon regard égaré se pose sur les vestiges douloureux de la rixe des éléments, et là, le front en sueur, je comprends. Oui, j’appréhende enfin la tragédie qui s’est jouée ici, sur la singulière scène de ma secrétaire défraîchie. Un soupir de soulagement trouble l’encre et les vaguelettes formées finissent de rouler sur le parchemin, submergeant irrémédiablement mes écrits invisibles.

Mes paupières se referment et je me revois la veille anxieuse devant ma feuille blanche, jouant maladroitement avec la flammèche de la bougie mourante. La cire complaisante tâchait mon manuscrit piteusement vierge, narrant à mon regard inquiet l’histoire de plus d’une vie. Je restais indécise, et rejetant mon désespoir dans l’admiration insensée de mon chandelier, je pensais trouver réconfort dans l’incandescence de la flamme. Peine perdue. Oui perdue, je m’étais perdue dans la combustion. Seule la mort implacable avait su me retrouver.

Mes cils sourcillent. La lumière se fait. L’éclat se glisse entre mes persiennes de malheur inondant la pièce d’un flot ton soleil, et je me retrouve. Seule et crasseuse. Fruit mâché issu de l’union déplorable d’un ramoneur et d’une lavandière.


Douloureuse réalité.

Ils m’attendront bien là-bas un jour de plus. Ici ou plus loin, ça ne rime à rien. Je me fraie une couche parmi mes essais immaculés et retourne en Enfer souillée que je suis.
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Grumpy

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Charpies d'une vie Vide
MessageSujet: Re: Charpies d'une vie   Charpies d'une vie EmptySam 5 Mar - 17:09

Caresse de folles graminées. Orgastique vertige dans le presbytère. Je recouvre les traces de l’homme de Dieu qui a su me devancer une décennie plus tôt et pars m’enfouir dans le cloitre abandonné. Houblons et chanvres s’emparent de mon corps, et lasse je leur souris d’avance. Extravagants mandataires de ma liberté. De mes doux tressaillement je les pris de se dépêcher et de faire promptement leurs affaires. Alors, là, entre trois gémissements déraisonnables et plaintifs ma volonté m’abandonne, fuyant la faiblesse avérée de mon corps, elle galope sur les tiges glauques du fourrage et s’enfouit impétueusement dans une sinuosité. Ils sont là. La solitude a cessé. Je ne suis plus chair. Mes vaisseaux lymphe se teintent de vert, la terre m’accueille et me baise. Je ne suis plus orpheline. Je ne l’aurais jamais été.

La brise caresse mes blés m’enfiévrant de l’arôme amer des assaillants du muret tombé sous l’attaque rampante des liserons opalins. Ma poitrine s’arcboute et je reçois la nouvelle offrande que me fait Mère. Je suis déjà perdue. L’eau suinte de mon front. Il ne pleut pas. Un ballet coloré s’opère devant mes yeux éblouis et je titube vers les saltimbanques végétaux. Savent-ils que je les ai rejoint? Me reconnaitront-ils ? Le doute s’empare de moi et me lacère de ses lianes acérées. La sève carmin s’épanche douloureusement, communion par la lymphe. Liaison irrévocable. La vie se meut, les bras se saisissent d’une tige de chanvre qu’ils enfournent dans ma bouche assoiffée. Mes pairs m’abreuvent. Echange fraternel, un filet de bave s’épanche de mes lèvres endolories. Muqueuses enflammées de leurs baisers. Ardents amants dont chaque caresse n’est que griffure et morsure, en soupirants passionnés ils me pénètrent. Les épines se plantent profondément. Douce volupté. Exquises épines.

Mère me relâche, j’hurle de l’étendue béante de ma perte. Je me débats furieusement et les foule tous de mes hanches fébriles. Je succombe abandonnée avant de les ressentir une nouvelle fois dans ma chair. Malicieux céladons. Luxurieux tortionnaires. Je m’abandonne sous les caresses de leurs épis, tout en me débattant devant leur amour non feint. Effrayante effusion.

La colère gronde. Mes songes me font violence. J’hurle mon désarroi et ma peine. Un horticulteur joue de sa serpe plus loin, abominable fratricide. Misérable inconscient. Les cris se perdent dans ma poitrine, ne dépassant jamais la corolle de mes muqueuses embrasées. Qu’il cesse ! Qu’il jette au loin sa faux ! Détestable faucheuse au moignon exacerbé. Régicide des princes de mon cœur, je souffre, de mes membres suppure ma colère sourde. Qu’il me laisse œuvrer. Oui, qu’il me restitue le pouvoir funeste qu’il s’est conféré bien maladroitement. Ils ne succomberont que de ma main ferraillée. Il se doit d'en être ainsi, il le faut. Nul ne peut en être autrement.

Tentative vaine de me consoler de leurs soyeuses pampres, ils m’inondent de leur moelle émeraude. Mes rubis se joignant alors au flot de vie, nous nous épanchons plantureusement sur Mère qui, réconfortante, nous saoule des effluves de l’humus. Harmonieuse union alors que plus loin de nouveau mes pairs trépassent. Lugubres hurlements précédés par le tintement funeste de la cisaille. Je n’ose plus me détacher d’eux. Je me refuse à souiller ce jardin d’Eden du sang du profanateur. Malheureuse et souffrante je me tiens immobile. Douloureuse attente. Nous espérons que le lierre « fatigue » le taillade de ses griffes aiguisées et qu’enfin tout cela prenne fin.

Père est haut dans le ciel, nous dardant de son regard accusateur, il refuse notre comportement débonnaire. Mes yeux se détournent. Honte sagace. Je suis en tort, et je le sais. Qu’y puis-je ? Implacable égoïsme. Parmi ma pépinière d’amants jades je demeure. Je demeure et je me languis. Toujours plus. Encore davantage. Idéale perfection. Mes pensées volettent suavement, mon corps lascif volage se livre sans fin. Désirs insatiables et ardents.

Se lever, les quitter, et à défaut de s’abandonner, les abandonner. Partir pour mieux revenir. Se presser de fuir. Fuir leurs caresses, fuir leurs baisers, fuir leurs étreintes éreintantes. Fuir.
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