Nedmor l’avait accueillie en son sein la veille, guidée par les constellations elle avait su emprunter de nouveau les sentiers de son enfance afin de guider à son tour de jeunes garnements promis à une belle destinée. Précepteur aux orteils enfouis dans le sable chaud, à la tête reposée sur les parterres floraux, et au regard perdu dans l’étendue bleutée.. Que rêver de mieux.

Sortant de sa torpeur pour le déjeuner, elle s’empressa de se réveiller et de descendre quatre à quatre les escaliers pierrés de la riche Auberge menée d’une main de fer par Brevaros, il s’agissait de partir à la recherche de quelques bestioles ou autres endroits agréables dont elle aurait pu faire profiter les jeunes hommes. Les escargots ? Trop commun. Les vinencres ? Trop lassant. Les coqs ? Trop piaillard. Les grenouilles ? Trop difficile peut-être. Les champignons. Voilà qui leur conviendrait, et qui assurerait à la druide un spectacle des plus comiques à l‘idée de voir les jeunes gens au prise avec la gueule carnassière des monstres. Ne pouvant réprimer un sourire, elle salua d’un geste faiblard Brevaros de la main en échappant un bâillement des plus féminins et poussa la lourde porte de l’auberge.

L’après midi était chaude, et la ville était étrangement silencieuse. Avait-elle subi une attaque exilée durant la nuit ? Sûrement. Cela apprendrait aux jeunes gens de ne pas se laisser bercer par les bras de Morphée à la belle étoile, se contenta t’elle de penser en haussant les épaules. La confiance des jeunes royalistes était décidément bien arrogante, qu’il en soit puni n’était après tout qu’un juste retour. D’un regard émerveillé elle observait les moindres détails de la ville qu’elle pouvait de nouveau visiter en toute quiétude. Tiens, cette échoppe avait fini par changer de propriétaire, et là ce parterre de fleurs revêtait désormais des tulipes aux couleurs du Roi, et par ici des écriteaux appelaient à la révolte devant les taxes du royaume, sans aucun doute l’œuvre de gosse au vue des fautes aberrantes, ici une roche révélait grossièrement le visage d’une fillette souriante, au loin le grand palmier sur le rivage avait accueilli de nouveaux messages d’amour en son tronc, de nouveaux cœurs gribouillaient désormais l’écorce.. Le temps rongeait aussi visiblement la cité rouge.

Grimaçant à cette idée, la druide quitta le rivage après avoir lancé un dernier regard vers la mer, en direction de la bâtisse des antiquaires, elle trouverait certainement de quoi armer ses nouveaux petits compagnons. Voilà qui les amadouerait pensait-elle, il serait ainsi plus aisément maniable. L’image de la druide sirotant une chopine étendue sur la grève tandis que les deux frères s’évertuaient à l’éventer du mieux qu’ils pouvaient à l’aide de feuilles de palmier lui tira un sourire des plus rieurs. Ses sourcils pourtant se froncèrent à la vision d’une silhouette massive côtoyant, elle semblait endormie au regard de la tête de l’individu qui était étrangement penchée vers sa bedaine, et la druide ne put que siffler de colère à l’idée qu’un puissant soldat du roi eusse pu s’assoupir en un tel lieu. Déjà que la réputation des fidèles du Roy était largement entachée du fait d’orgies ou encore de beuveries fréquentes, voilà que désormais la qualification de tir au flanc eusse pu été justifié.

S’approchant d’un pas rageur de l’endormi, elle s’apprêtait à le réveiller d’un cri strident quand le visage de l’individu la frappa. Ces traits ne lui étaient en effet pas inconnus, pas familiers pour autant certes, mais non étrangers non plus. Melziö que cet homme se faisait dénommer, un ancien roublard de la guilde de Vindi et des autres fous de la guilde Psychatog, et à l’instar de ses compères l’homme était lui aussi dotée d’une modestie à toute épreuve.

"Punis."

Levant un sourcil la druide s’interrogea sur le bien fondé de la si soudaine injonction avant de remonter vigoureusement ses manches en chuchotant un second "Punis.".
L’homme paierait à la fois pour l’arrogance et la fierté un peu trop démonstrative de lui et de ses compagnons, mais aussi pour ce trop plein de confiance qui l’avait n’en doutait elle pas poussé à se laisser aller avec autant de zèle dans les jardins de la cité. Il en serait quitte pour cette fois-ci, quoique la valeur de l’armée elle aussi avait été touchée par ce gredin. La mort, la mort pour le déshonneur de l’armée du Roy et celle de cette façon pour le Roy lui-même.


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Tâtant sa blouse visiblement vaseuse, la druide allait lapider le fainéant quand un doux bruissement d’ailes vint caresser mes oreilles. Une missive. Tiens Kâhna, le jeune homme se décidait-il enfin à sortir de sa couche ? Souriant la jeune femme lui fit part de ses actuelles activités, et de son invitation à la rejoindre le plus tôt possible. Voilà qui saurait le contenter davantage qu’une vulgaire chasse de monstres dénués de toute intelligence. De la malice, un brin de folie, un soupçon de témérité.. Kâhna dépêche toi ! Tandis qu’elle s’apprêtait à délaisser son endormi pour quelques instants afin de réunir ce que ce vaurien de Gutigevenn estimerait nécessaire pour reconnaître l’apprenti comme désormais voleur de ces terres, la silhouette familière d’un paladin se dressa au loin. Voilà qui compliquait de façon indéniable ses plans.

Espérant que le guerrier déserterait la place au plus vite, la jeune femme se dirigea avec empressement vers les monstres qui protégeaient avec témérité leurs biens miniers dans l’intention de leur en subtiliser quelques uns, consciente que l’absence de quelques pépites d’or ne saurait les handicaper irrémédiablement. Sous le regard de son jeune compagnon fraîchement arrivé de façon encore quelque peu ensommeillée, elle se fit interpeller par le paladin. Tentant vainement de noyer le poisson ce qui était peine perdue étant donné que le guerrier connaissait parfaitement les vieilles habitudes de la roublarde de druide, cette dernière finit de s’emparer des minerais dorés d’une main innocente. Jetant un regard entendu à Kâhna elle lui présenta les biens dérobés et le poussa en avant vers le barbare endormi qui désormais était sous la surveillance du paladin. Il s’agissait maintenant soit de poursuivre son activité auprès du tir au flanc soit de montrer à Kâhna la meilleure façon de lapider un soldat arrogant. La première option étant réduite à néant du fait de la présence du second soldat, elle sourit à Kâhna lui promettant tacitement qu’il pourrait mettre fin de lui même à la vie du soldat.

Se positionnant au côté du soldat endormi prétextant à haute voix une quelconque excuse à l’attention du guerrier qui veillait désormais sur son frère d’arme, elle s’agenouilla et enfonça furtivement sa dague dans le corps du soldat. Exerçant une forte pression sur sa sœur d’acier, elle lui fit exercer de nombreuses rotations dans la chair de l’ennemi, ce qui ferait de lourds dégâts et cela de façon discrète sans trop d’effusion sanguin. Jetant des regards vers son apprenti, son ami et celui à qui elle ôtait la vie peu à peu, elle souriait. Elle serait contente. Et la druide elle le serait tout autant, elle l’était même déjà. La vie semblait en effet quitter l’endormi pour mieux venir se loger dans l’âme de la druide, doux délice. Bientôt la forte respiration du barbare se tut, et se relevant en époussetant ses genoux désormais herbeux la druide sourit en haussant les épaules en direction du Paladin. Celui-ci haussa à son tour les épaules et s’en fut vers l’auberge. Se retournant vers Kâhna la druide sourit en lui promettant silencieusement que tout compte fait le prochain serait pour lui.

"Escargots ?" lui lanca t’elle en un sourire auquel répondit l’acquiescement du jeune mage. "Escargots !" se contenta t’elle de répondre avant de se diriger vers la grève qui regorgeait de dizaines de ces bestioles baveuses.