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 La princesse folle qui peint dans la nuit.

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AuteurMessage
Veñor

Veñor
 

Sexe :
  • Homme

Classe :
  • Archer

Age du personnage : 17

La princesse folle qui peint dans la nuit. Vide
MessageSujet: La princesse folle qui peint dans la nuit.   La princesse folle qui peint dans la nuit. EmptyJeu 16 Déc - 18:31

Je cours depuis longtemps ? Pourquoi j’ai commencé ? Je traverse des rues grises, blanches, moches, miséreuses et puantes et bourgeoises et puantes. Nedmor la puante. Je pose mes fesses sur des bancs, des talus, à la recherche de mon souffle, et je repars au moindre bruit. J’ai une allure à faire peur avec ma robe de princesse en haillons, mes cheveux en furie et mes orbites comme deux billes d’ivoire brillants sous la lune. Un fou. Je me cache dans les recoins les plus sombres, mais ça ne m’empêche pas d’en croiser des gens, et dès que j’aperçois quelqu’un, je me remets à courir de plus belle, prends la tangente, et disparais. Le vent s’engouffre sous la robe, entre mes cuisses nues, partout, me rentre à l’intérieur, me porte, me soulève. C’est irrésistible. Il faut je dois. Encore. Ça résonne partout dans ma tête, tambourine dur. Il faut, je dois. Pas de pourquoi, juste un ordre. Le vent s’infiltre dans mes chairs, je cours, je respire sur un banc, je sais pas où je vais mais le vent le sait. Il répète sans cesse ses invectives … Il faut tu dois … On m’apostrophe, on tente de m’arrêter mais je me laisse pas faire. Je sais ce qu’ils vont me dire, tous, je l’entends déjà, ça cancane, ça m brouille, j’étouffe … Ça va éclater … Il faut tu dois … Alors je cours plus vite, je tombe, je m’écorche les genoux, je ressemble à un petit gosse épouvanté. Une mauvaise histoire. Un vrai cauchemar. Même pas. Tout ça arrive vraiment.

J’y suis enfin. Je le sais parce que le vent me le dit. Ici, il tourbillonne, se libère, se réjouit de sa propre puissance. Devant moi, le bois entassé soulevé par les bourrasques. Je l’entends frapper contre les murs de l’auberge. J’ai les joues en feu … Rien pour me calmer … Il faut … Je dois continuer … Je dépasse le salle principale quasi-déserte, l’aubergiste qui astique ses choppes, la pouffiasse qui s’est enfin tue, regarde au loin l’image de souvenir fugaces et vivifiants, la grognasse, les deux énergumènes, Elle … C’est quoi cette merde ? Dans quelle mélasse m’étais-je plongé ? Mais j’y suis encore… Ce n’est que la suite. Complètement déboussolé. Quel con … Je monte les escaliers à tâtons. C’est le vent qui m’emporte. Le vent et la rage. Il en sort de partout des éclairs. De mes yeux et du ciel. Trop de haine contenue. Faut qu’ça sorte, que ça dégueule de partout, que ça éjacule et que ça dégénère, que ça finisse mal … Que ça finisse pas … Il n’y a pas de fin, jamais.

La poignée d’une porte, celle de ma chambre sans doute, et cette odeur si caractéristique lors de mon entrée. La sienne. Et une autre. Ca me prend à la gorge, c’est âcre et ça pue, du sang. Et alors je me souviens :

« … La salope de l’auberge, ses paroles empreintes de méchanceté, sa voix de fillette, les armes de la conasse moyenne.

- Quel joli couple, l'amnésique anémique et le diminué assisté.

Et là son rire. Le sien et celui des autres. Elle a un rire affreux, un attentat au bon goût, la vulgarité même. Un rire qui suinte la barbaque fumante et la bière, un rire à faire taire. Les coups partent, je sens une chaise se briser contre mon genou. Mes mains se portèrent d’elles-mêmes à mon arc, dernière défense de l’infirme que je suis. Je me réfère aux sons, je tire et Elle crie. J’entends les coups réguliers du sang qui s’écoule de sa plaie au sol. Je lâche mon arc devenu l’arme du pêché, et je me blottis au sol. Les minutes passent, le brouhaha ne fait qu’augmenter Mais qu’ils se taisent putain. La porte de l’auberge s’ouvre, l’autre moqueuse s’est enfuie. Le silence se fait enfin. Les pas de KaY qui montent … Et moi. Moi qui ait tiré sur mon allié, qui au-delà de mon infirmité suis nuisible pour mes compagnons. La porte est toujours ouverte. Je sors dans la tourmente, je me casse. Je suis un lâche, un putain de lâche, mais un lâche justifié. »

J’entends sa respiration posée. Elle s’est endormie, et elle saigne. Encore.
Je déchire un pan de ma tunique, et l’approche d’elle. Ne voyant pas l’emplacement exact de la blessure, je laisse mon toucher me guider, jusqu’à sentir l’excroissance visqueuse.



Le retour au lit, l’ardeur d’une nuit, l’union de deux corps., à jamais gravé dans la mémoire d’un aveugle qui n’en verra rien.



La course effrénée vers un salut impossible est close. La routine à tout le loisir de s’installer désormais. Je me suis mis à la peinture, ironie à mon état. Je peins tous les jours. Des toiles au surplus. Des tableaux colorés, vivants, des explosions chromatiques, la passion et la paix. Harmonie. Toujours la même scène, encore et encore, jusqu’à la nausée, jusqu’à l’écœurement et qu’elle ne signifie plus rien, cette dernière chose que j’ai vue. Une cacophonie picturale, une puissante jouissance des sens. Une œuvre grandiose, la plus belle jamais vue – et pour cause, vous ne la verrez jamais. Elle est toute dans ma tête, et j’efface chaque tableau pour en recommencer un nouveau. La même scène, encore et encore. Cette clairière qui s’évapore dans l’obscurité de cette nuit là. La silhouette d’un Démon invoqué. Cette silhouette ou se mêlent amour et folie et passion et meurtre. Cette clairière à l’odeur de foutre, aux corps tous presque nus qui se tiennent devant un portraitiste érotique.

Je peins des portraits. Des inconnus flânant dans les bras l’un de l’autre, entremêlés, accouplés, abêtis. De tous les visages que j’ai croisé, je n’en oublie aucun … Comme s’il avait fallu tout photographier une dernière fois et que rien d’autre n’avait eu d’importance avant … Au fond, il n’y a jamais d’avant … Tout s’écroule face au présent et même ce jour, cette fatalité, n’est plus rien aujourd’hui … Il n’existe plus que la peinture que je m’en fais. Un cadeau permanent que je ne peux offrir qu’à moi et que je brûle à chaque fois parce qu’il ne peut en être autrement … Aucun commentaires à subir, l’œil débile des critiques d’art, les goûts passagers de la foule, les modes d’une saison ; tout cela a disparu. Je saisis le beau et j’en fais un musée d’un jour. C’est là mon unique bonheur. Détruire et reconstruire. Ca fait deux bonheurs. Et Elle.

Trois.

La vermine qui grouille au fond des âmes, la mort qui torture, le regard froid, ce qu’on ne peut voir, ce qui n’est plus sensible, ce qui n’existe que dans les cauchemars … C’est ce que je peins comme jamais vous ne pourrez l’imaginer … Mais c’est son rire que je peins le plus souvent, non, pas celui de la gausseuse, non, son rire à Elle. Il me fallut du temps pour le reconnaitre et enfin le comprendre … Autant qu’il me faudra pour rire à nouveau.

Nous riions tous les deux et c’était un rire de dément, une surenchère de folie, un cri à la fois de puissance et de délire, l’alliance de la noblesse et de la crasse. Et le silence qui suivit était une paix, le brouhaha des voix qui hurlaient dans l’auberge, les luttes et les pleurs, les jouissements qui chuintaient à travers l’étroit goulot des ce couloir à la lumière crue du soleil de Midi, le calme glacé de la peur qui nous couvrait.
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La princesse folle qui peint dans la nuit.

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