Un homme venait de s’installer à une table. Je l’observais du coin de l’œil tout en finissant de ranger les verres fraichement nettoyés. Cette soirée de mariage qui avait eu lieu deux jours auparavant m’avait demandé pas mal de travail mais avait également permis de renflouer les caisses de l’auberge.

Cet homme me paraissait étrange, il avait un je ne sais quoi de différent. Une allure à la fois souple et distinguée mais il avait autre chose. Je quittais le comptoir pour prendre sa commande et découvrir l’identité de cet homme.

Bien le bonsoir cher ami.

Un teint blafard, des très fins, une dentition parfaite, d’une incroyable blancheur laissant apparaître deux petites canines proéminentes, et des pupilles qui m’ôtaient tout soupçons…

Je levais instinctivement un sourcil, perplexe face au regard du jeune homme qui était installé devant moi.

Je pense ne pas avoir en réserve ce qui pourrait vous désaltérer et je suppose que vous n’êtes pas ici pour vous abreuver à la source. Pas de scandales nous sommes d’accord je présume.

Si toutefois vous avez besoin de quoique ce soit n’hésitez pas à venir m’en faire part au comptoir.

Assise tranquillement à une table j’avais observé de loin cet individu auquel Valérias venait de remettre une clef. Un nouveau résident qui attirait particulièrement mon attention.

J’étais arrivée depuis une semaine et j’avais décidé de faire un effort, d’aller vers les gens bien que cela me paraissait encore compliqué. Cet homme aux cheveux longs et au teint blafard attisait ma curiosité. Il avait quelque chose de différent, légèrement angoissant et je ne savais pourquoi.

S’il devait passer une nuit dans l’auberge, je préférais savoir à qui nous avions affaire.

J’attrapais ma tasse de thé et m’installais à sa table. Trop anxieuse à l’idée qu’il me refuse de m’asseoir, j’avais décidé de ne pas lui poser la question. Je préférais passer pour quelqu’un de culoté plutôt que de me sentir rejeté, ce qui aurait remis en question mes efforts de socialisation.

J’ai vu que Valérias venait de vous déposer une clef ce qui sous-entend que vous allez passer une nuit ici. Qu’est ce qui vous amène dans les parages ?

Il avait peut être juste envie d’être tranquille, mais je refusais l’idée de ne pas savoir qu’il pouvait bien être et pourquoi il avait un je ne sais quoi de différent.

Attendant qu’il me dévoile l’objet de sa venue, je portais à ma bouche, ce thé que Valérias m’avait préparé plus tôt.

Il y eu quelques instants de silence… Et cela me rendait dingue. Quitte à me dire de quitter la table il valait mieux le faire de suite, je n’aimais pas le silence, il me rendait particulièrement mal à l’aise. Pourtant je fus d’autant plus gênée de voir ses joues se teinter d’un rose pâle. Je déviais le regard un instant. Si son teint n’était pas aussi pâle je ne suis pas sûre que j’aurais aperçu se changement de pigmentation.

Cet homme avait véritablement quelque chose d’étrange. Et je ne savais toujours pas d’où venait cette différence.

Nouvelle gorgée de thé, lorsqu’il prit la parole, soudainement détendue à l’idée qu’il n’avait pas l’intention de me demander de partir.

En entendant ses mots, je laissais échapper un soupir. Nouveau regard, vers mon interlocuteur.

C’est un long voyage que vous venez d’entreprendre. Je crains en revanche que vous ne trouviez personne dans cette taverne, qui serait intéressé pour conclure une quelconque alliance.

Je ne cherchais pas à tourner autour du pot c’est pourquoi je lui lançais un regard franc et reposais ma tasse.

Ne vous noyez pas dans d’autres complaisances, nous venons à peine de nous regrouper et je ne pense pas, comme vous le sous entendez, que nous soyons déjà si renommé dans tout le pays.

Oh mais croyez bien que par vos bonnes paroles, vous nous flattez cher ami. Ainsi, si nous nous devons de décliner votre offre, sachez que vous n’avez pas fait le déplacement pour rien. L’aubergiste est un hôte comme on en voit peu sur ces Terres.

Je lui adressais un sourire, avant de récupérer ma tasse.

Vous ne buvez rien dîtes moi ?

D’une part il ne buvait rien mais il ne réagissait pas non plus. Etrange personnage que j’avais sous les yeux. Il était soudainement plongé dans un mutisme inquiétant, qui me crispa immédiatement.

Pas un sourire, pas un mot, pas un geste.

Hum, Euh Vous ne buvez rien donc ?

Deuxième appel, pas un son, pas une réaction…

Je décidais de me lever frappée de sentiments divers. D’une part je fulminais. Une envie de lui montrer un peu qu’une femme pouvait aussi avoir de la poigne et le virer de cette auberge, bon certes j’aurais certainement eu besoin qu’un grand gaillard m’aide un peu, mais ce n’était pas l’envie qui me manquait.

Je lui posais une question et il choisissait de me snober complètement. Voici un comportement qui ne faisait qu’attiser mon manque de sociabilité. Echec qui me fichait un sacré coup.

Pourtant je décidais juste de quitter sa table sans broncher. Il était des plus étrange et je n’avais nulle envie d’insister. Il avait un je ne sais quoi de dérangeant.

Je quittais donc la table, lançant un regard frustré vers Valérias et retournais dans ma chambre m’isoler, sans omettre de claquer la porte.

J’étais frustrée et j’avais une bonne raison de ne pas me mélanger à la foule ce soir.