La soirée avait été rudement longue pour le maître des lieux. De plus en plus de monde s'arrêtait à mon auberge, et le travail ne manquait pas. J'en voyais passer de toutes sortes; des petits, des grands, des minces, des gros, des bizarres. Tant que leur bourse était bien pleine, rien ne pouvait me déstabiliser. J'avais pris l'habitude de toujours fermer la porte le soir lorsque le manque de place se faisait ressentir. Et bien entendu, c'est toujours lorsque les portes sont fermées que les gens se décident de les franchir.
Suffisait d'y penser pour que ça arrive. Quelqu'un venait de toquer.

-C'est reparti. Va falloir sortir des écuelles et du picrate de d'sous le comptoir.

J'accélérai le pas, me dirigeant vers la porte. J'aimais particulièrement l'ambiance que dégageaient ces soirées. Le bruit, les rires, les discussions farfelues et toutes les logorrhées que pouvaient débiter mes clients à longueur de temps me donnaient l'impression que je n'étais pas seul, et rien ne pouvait me rendre plus joyeux que la compagnie de quelques ivrognes.

-Me voilà mon brave!

J'ouvris, et eus du mal dans un premier temps à voir la personne qui se tenait devant moi dans l'obscurité de la nuit.

-Qu'est-ce que jpeux bien faire pour vous à une heure pareille? On a un petite faim?

La chaleur m'envahie. Je suis pris de panique, des gouttes de sueur dégoulinent de mon front. Je commence à avoir du mal à respirer, je sens ma gorge se serrer. Je suffoque. J'ai la vue de plus en plus flou, je suis comme . . . aveuglé. Oui, voila comment je réagis à la vue de quelques piécettes faites d'or.

-Et bien . . . Vous ne manquez pas d'arguments mon cher. Trouvez vous une p'tite place, je sais qu'on en manque, mais bon, y'a bien quelqu'un qui vous laissera quelques centimètres de banc pour vous laisser boire un verre de picrate et manger un p'tit frichti. Faites comme chez vous.

Plus il y avait de monde, plus les caisse se remplissaient. J'allais pouvoir me le créer, mon petit havre de paix. A force de labeur et grâce à mon abnégation. Et aussi grâce à tous ceux qui venaient dépenser leur petite monnaie en alcool et qui ne s'en souvenaient même plus le lendemain. Mais je ne voulais pas qu'on pense de moi que j'étais quelqu'un d'intéressé par ce qui brille et qui était matérialiste, loin de là. Seulement, tout travail mérite salaire.

Je me hâtais donc en cuisine pour satisfaire tous les besoins de ma clientèle, en pensant à ce que je ferai plus tard pour rendre le grenier qui me servait de chambre plus gai et accueillant, le tout, à haute voix.

-....Des fleurs. Le principal, c'est de s'y sentir bien . . .

Impossible de fermer l'oeil. La nuit est pourtant sensée porter conseil, or, à ce moment présent, Liane conseillerait bien à la nuit de la mettre en sourdine. Le vacarme se fait de plus en plus lourd au dessous de sa chambre. Les ricanements et les cris montent à elle et se mettent à former un écho dans son crâne, prêt à exploser à tout moment. Les faire taire. Les tuer, leur ôter leur âme après mille tortures, et plaider la folie serait une chose aisée, et salvatrice pour la santé mentale de l'aquamancienne.
Les allers et venus des derniers jours l'intriguaient. Qui étaient tous ces gens? Quels étaient leurs mystères? Leurs histoires? leurs objectifs? Elle sentait bien qu'ils n'étaient pas de simples voyageurs vagabondant dans des zones aussi reculées par pur hasard. Où alors, le harsard faisait étrangement les choses.

Il fallait descendre en bas, voir ce qui pouvait bien pousser tous ses ivrognes avide de liquide à beugler tel des vaches auxquelles on venait de découper les pattes. Elle descendit donc les marches, deux à deux. Puis ralentit son rythme de croisière à la vue du monde qui peuplait la salle principale de l'auberge. On en voyait de toutes sortes; Des défaits, pas petits, des gros, des grands, des petits grands et gros . . . Elle scruta le tout du regard, et réussit à apercevoir dans la masse Valérias, qui se dirigeait vers ses cuisines. Elle l'intercepta en lui saisissant le bras, d'une main ferme et lui lança:

-J'veux pas commencer à faire ma chieuse, mais t'as pas un remède miracle contre les maux de tête?

-Hum . . . Le repos.

-A part celui-ci?

-Hum . . . J'vois pas trop. Mais si vous n'avez rien d'autre à faire, veuillez vous occuper du nouvel arrivant, j'veux pas le laisser tout seul au milieu de tous ces zouaves, ce serait perdre un client.

-Bah tiens, j'ai que ça à faire . . .

-Précisemment, c'est pour ça que je vous demande poliment si vous voudriez bien vous en occuper.

-Okay okay, j'y vais.

Liane venait d'accepeter à contre coeur. Une fois de plus, alors qu'elle était sensée se défouler sur quelqu'un, elle n'en trouva pas la force. Elle se dirigea vers le nouvel arrivant, et lui dit:

-Venez vous asseoir par là, jvais en pousser un ou eux du coude, ça vous fera de la place.

Elle n'utilisait aucune politesse pour s'adresser à son nouvel interlocuteur. Loin d'elle l'idée d'une femme mal élevée, mais sa migraine ajoutée à son humeur comparable à la pire des tempêtes n'annonçait rien de bons pour ce jeune homme. Elle se ressaisit en prenant compte du fait qu'elle ne l'avait même pas salué et dit:

-Excusez moi, je ne vous ai même pas salué . . . Enchantée, mon nom est Liane, je réside dans cette auberge depuis peu, et Valérias m'a expréssément demandé de vous tenir compagnie le temps qu'il vous prépare ce dont vous avez besoin.

Elle n'avait toujours pas pris la peine de regarder la personne, ou du moins son visage. Elle se releva et ressentie un étrange malaise. Elle espérait désormais que la discussions s'engagerait sans trop de problèmes . . .

Je n'étais pas dupe, et loin de moi est l'idée de croire que cet aubergiste n'aurait pas succombé à l'appel de l'or. Ces yeux brillaient à la vue de ces quelques piécettes, et sans lâché du regard le butin il dit :

" -Et bien . . . Vous ne manquez pas d'arguments mon cher. Trouvez vous une p'tite place, je sais qu'on en manque, mais bon, y'a bien quelqu'un qui vous laissera quelques centimètres de banc pour vous laisser boire un verre de picrate et manger un p'tit frichti. Faites comme chez vous. "

Je me redressais malgré la fatigue et la faim, afin d'être plus présentable et repris timidement :

"...Je vous remercie, je vais tenter de me faufiler, je ne prendrai pas beaucoup de place. "


Des cris, des rires alcoolisés, des chants, l'ambiance semblait y être festive, je n'ai pas l'habitude d'être entouré de tant d'ivrognes, pour qui vais-je passé en commandant mon verre d'eau ?
L'aubergiste se retourna et partit, il devait sûrement avoir beaucoup de travail avec tout ces joyeux fêtards. L'alcool semblait y coulé à flot et rien qu'en me fiant à l'odeur j'imaginais plusieurs plats tous plus appétissant les uns que les autres.
...Mon ventre se remettait à crié de toute ses forces, heureusement que le bruit de la taverne masquait ces affreux appels au secours. Je sentais mes paupières s'alourdir, l'impression d'avoir une charge énorme sur celle-ci. Pendant un bref instant je me suis pris à rêver d'un lit confortable, et d'un long sommeil récupérateur.
Il faut dire que toutes ces nuits passées à marcher contre vent et intempéries m'avaient beaucoup affaiblit...
*BAM* Un bruit assourdissant retentit brusquement me faisant ouvrir les yeux et sursauté sur place.
J'imaginais nombre de scénarios moi n'ayant pas l'habitude de côtoyé ces endroits, peut-être une bagarre avait-elle éclaté ? Ou était-ce simplement le bruit d'une porte claqué énergiquement ?
Les questions m'envahissaient mais je ne devais pas cédé à la panique, je respirais un bon coup et me mis à sifflé afin de paraître à l'aise.

Une charmante demoiselle se dirigea vers moi, elle semblait énervé ou du moins agacé.
Elle me jeta un regard froid et me lança :

" -Venez vous asseoir par là, jvais en pousser un ou eux du coude, ça vous fera de la place."

- " Euhhh...Oui, je vous remercie mademoiselle ou madame..." Repris-je à voix basse.

Elle me tourna le dos, avança en direction de la taverne, se retourna avant de reprendre :

" - Excusez moi, je ne vous ai même pas salué . . . Enchantée, mon nom est Liane, je réside dans cette auberge depuis peu, et Valérias m'a expréssément demandé de vous tenir compagnie le temps qu'il vous prépare ce dont vous avez besoin. "

Elle semblait plus détendu, dire qu'il y a une poignée de seconde je craignais pour ma vie.
Cependant je me méfie, les apparences sont souvent trompeuses.
J'esquissais un sourire en coin avant de lui répondre :

- " Ce n'est pas grave, je comprends qu'avec tout ce vacarme on devienne légèrement agressif.
Je me présente Bakû, j'ai fais un long chemin afin de venir jusqu'à vous. J'ai eu échos d'un regroupement de personnes ayant décidé de vivre ici, j'ai donc voulu y jeté un oeil. Ai-je bien compris que vous venez de vous joindre à eux il y a peu de temps ?

Je sentais le désir de me confié, d'installé un climat de confiance alors à peine le temps de finir ma phrase que je repris :

- " Je ne vous cache pas qu'étant orphelin et sans toit, j'aimerai mettre mes compétences à leurs dispositions. Je n'ai plus rien qui me retient sur ces terres, si ce n'est épousé la cause de Galoregor."

Un lourd silence se fit ressentir.

Liane s'efforcait de paraître normale, mais elle n'en croyait pas ses oreilles. Un "regroupement"? Comment ce type pouvait-il savoir cela? Aurait-il lui aussi rencontré Cyphile . . . ?
Mais il ne fallait pas se hâter et spéculer. Les hypothèses étaient nombreuses, et il n'y avait qu'une seule véritable explication. Lui demander de but en blanc aurait été très déplacé, il fallait tenter une approche nouvelle. Elle prit sa voix douce, celle qui la caractérise, posa sa main sous son menton, et dit au jeune homme:

-Bakû . . . C'est plutôt mignon. Raconte moi un peu, d'où viens-tu? De Nedmor? Et tu as donc perdu tes parents . . . ? Jte force pas à me raconter hein mais histoire de faire plus ample connaissance, j'aime bien savoir à qui je parle . . .


Elle se rendit compte qu'elle venait de changer du tout au tout. Elle d'accoutumée si présomptueuse et désagréable . . . Mais ce Bakû ne la connaissait pas d'ordinaire. Espérant qu'il tomberait dans sa séduction et répondrait à toutes ses questions, Liane se disait qu'elle allait devoir discuter, avec un inconnu, alors que son mal de tête la rongeait toujours de l'intérieur. Une belle soirée en perspective.

Liane pensa:

-T'as intérêt à être à la hauteur de mes attentes, sinon, tu repars les pieds devant . . .

Liane perçut un sorte de liquide dans l'oeil du jeune homme. Ses yeux brillaient, comme si des larmes allaient couler des joyaux qui lui permettaient de voir le monde qui l'entoure.

-Et voila, c'est moi qui me tape la gonzesse sensible pas foutu dparler dses vieux sans chialer dans la minute . . . .pensa Liane.

Elle reprit:

-Je me doute bien que vous n'avez pas du connaître que la misère, batît comme vous êtes . . . Et, que venez vous faire plus précisément ici, si je puis me permettre?


Sa combine à deux sous avait fonctionné. L'homme l'écoutait, séduit pas son physique allumeur et la pureté de son visage. Sa voix douce faisait des miracles, et le moment était bien choisi; elle allait savoir si ce gars n'était qu'un branque ou s'il avait réellement un ticket direct avec Cyphile. Si tel était le cas, plus rien ne la forçait de jouer sa mijaurée, or, s'il avait entendu parler d'une simple rumeur, il fallait qu'elle fasse taire cette rumeur, et l'homme qui se tenait en face d'elle par la même occasion . . . .

Elle le regarda donc, se prenant de compassion et d'amitié pour lui au fur et à mesure de la discussion. Ôter la vie n'était plus un problème, seulement, si ce pouvait ne pas être la sienne, cela n'en serait que meilleur . . . .

Après un bref instant de discussion, la belle demoiselle semblait se prendre d'affection pour moi.
- " Peut-être suis-je de son genre ? " pensai-je.

M'interrompant en pleine conversation avec moi même, mon interlocutrice me lança :
- " Je me doute bien que vous n'avez pas du connaître que la misère, batît comme vous êtes . . . Et, que venez vous faire plus précisément ici, si je puis me permettre? "

C'est alors que je m'approcha d'elle, lui glissant à l'oreille :

- '...J'ai peur de me répéter, mais je suis venu jusqu'à vous pour rencontrer votre groupuscule ou du moins entamé la conversation avec ceux qui le constitue. Pourquoi ? Tout simplement car j'aimerai dans la mesure du possible les rejoindre.
A quoi bon errer telle une âme en peine ? Je veux me convaincre que je peux être utile quelque part. "

L'ambiance s'était alourdie.
Certes, je sentais une certaine sympathie chez elle, mais le doute m'habitait, je craignais sa réponse.

Liane était, malgré son coeur de pierre, émut par la sincérité et la naïveté du jeune homme se tenant en face d'elle. Elle baissa la tête, ferma les yeux, puis les rouvrit et le regarda avant de lui dire:

-Ecoute, n'emploie pas le terme "groupuscule" pour parler de nous. On est pas non plus des rebelles . . . Si tu veux tout savoir, j'en fais parti, de ce "groupuscule". Et je vais voir ce que jpeux faire pour toi. J'vais m'en référer à mes supérieurs, et essayer de t'obtenir une réponse sous peu.


Elle chercha un plan, car malgré le fait que les choses ne se passaient pas d'ordinaire comme cela, elle avait envie d'aider ce garçon, qui lui inspirait beaucoup de bien et de sentiments purs.

-Voila ce qu'on va faire. Dans trois jours à compter d'aujourd'hui, reviens ici, à cette table. Tu rentreras discrètement. Si tu m'y vois assise, c'est que la réponse est en ta faveur, et que donc tu peux venir t'asseoir. Si je n'y suis pas, c'est que tu dois faire demi-tour, et ne plus jamais revenir. Tu comprends?

Elle ne lui laissa même pas le temps de répondre, ou encore d'esquisser un sourire. Elle se releva, lui caressa la main, et croisa les doigts inconsciemment en pensant à lui. Elle remonta les escaliers par lesquels elle était apparue, rentra dans sa chambre, s'étala sur son lit, et vida son Esprit de tout ce qui d'accoutumée l'empêchait de s'endormir.

Et elle s'endormie, enfin paisible . . .