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 Pêle-mêle d'une destinée

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Grumpy

Grumpy
 

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Pêle-mêle d'une destinée Vide
MessageSujet: Pêle-mêle d'une destinée   Pêle-mêle d'une destinée EmptyJeu 11 Nov - 23:35

Pêle-mêle d'une destinée
- Appendice
- Suite





Exorde d'une vie



Ce soir là, Grumpy était venue s’asseoir sur la balustrade de l’auberge défraîchie de Tholdnor. Ses joues rosies par la brise accusait de multiples traînées noirâtres, toutes originaires du regard meurtri de celle-ci. Sa belle chevelure rousse s’était grisée et de nombreux nœuds retenaient des brindilles et autres feuilles orangés; quelques mèches s’étaient collées à ce visage maigre. Ses jambes prostrées le long de son corps frissonnaient, les guenilles dont elles étaient apprêtées ne semblaient lui apporter qu’une bien maigre protection contre le froid. D’un geste maladroit elle rabattit un pan de sa jupe trouée sur ses mollets avant d’enrouler de nouveau ses bras ecchymosés autour d’une poutrelle de chêne. Ses doigts crispés sur les excroissances du bois, la silhouette sanglotait, émettant de temps à autre des hoquets de douleur.

La rumeur selon laquelle la ferme des Dabriols avait été témoin d’une scène de sang des plus atroces, circulait depuis maintenant plusieurs jours. La ville était encore secouée par les passages incessants des gardes armés qui arrêtaient tout étranger à l’intérieur de l’enceinte de Tholdnor.
Les commères à l'abri derrière leurs échoppes discutaient et paraient les tueurs de peaux de bête et de colifichets à l’effigie de dieux sanguinaires. Certaines même sortaient de dessous leur tablier de fines branches ficelées, dégainant ainsi leur croix au visage de leur voisine de commerce lorsqu’elles évoquaient les meurtriers. Affichant des sourires édentés, elles juraient qu’elles on ne les aurait pas aussi facilement. Affluant à l’arrivée des messagers, elles entouraient leurs chevaux apeurés par ce tumulte soudain et harcelaient les cavaliers de questions grotesques. L’on prétendait que des crocs longs de deux pouces avaient été retiré du corps du vieux Tom, quant à la petite rousse l’on n’avait trouvé d’elle que deux ou trois mèches couleur fauve ensanglantées, le corps restait introuvable, "sans aucun doute dévoré par ces démons" disait la vieille Margeline.

Seul le garde forestier arpentait encore les hameaux environnants Tholdnor, cependant une hachette pendait désormais à sa ceinture. Le soir venu néanmoins, il regagnait à la hâte les contreforts de la ville et n’en ressortait plus que lorsque le soleil était au plus haut dans le ciel. Quelques badauds poussés par une témérité débordante se risquaient à errer près des ruines de la ferme abandonnée. Un matin, les commères les regardaient partir du haut de leurs balconnets, l’expression du visage mitigé entre la pitié pour celui qui se tenait encore en vie et la joie malsaine qu’elles auraient à se vanter d’avoir vu la dernière le promeneur, le lendemain quand on ramènerait les restes de son corps.

Alors que l’aube pointait, les gardes ensommeillés par ces nuits de guet éprouvantes redressèrent vivement la tête et raffermirent leur poigne sur leurs lances avant de s’approcher de la grande porte. Le silence suivi d’un bruit de course précipitée leur tira une grimace. Les gardes du regard interrogèrent leurs camarades, aucun ne semblait vouloir se risquer à s’approcher davantage afin de jeter un coup d’œil entre les interstices des planches de bois. Un garde à la corpulence imposante s’avança et désigna du menton un de ses camarades. L’élu penaud avança avec prudence et approcha son visage de la porte lentement, alors qu’il s’apprêtait à regarder ce qui se tramait à l’extérieur, la porte fut ébranlée par de multiples coups provoquant un saut de terreur chez l’homme armé.

« Ouvrez, ouvrez ! Vite ! » , hurla une voix.
Le jeune garde terrifié se figea tandis que ses frères d’armes reculèrent d’un pas.

« Cela approche.. Vite! »

Le silence se fit, long et intense. Le toussotement mal assuré du chef de garde le rompit, et bientôt celui ci s’avança vers son second qu’il tenta de rassurer par une moue. Il fût bientôt rejoint par l’ensemble des gardes qui, lances pointées en avant, s’apprêtaient à vendre chèrement leur peau. Deux compères de cette petite troupe se dirigèrent vers la planche qui maintenait la porte fermée et gratifiant leur chef d‘un signe de tête entreprirent d’ouvrir celle ci. A peine les battants étaient-ils entrebâillés que les gardes se jetèrent en avant dans un seul cri.

Un corps ensanglanté gisait au sol. Se tenant la poitrine, l’être leva une main suppliante vers les hommes armés avant de retomber nonchalement au sol. Un des gardes ayant reconnu les traits de Will le charpentier se précipita vers son ami en si piteux état, lâchant ainsi son pic. Le visage effaré du défenseur de Tholdnor vint se pencher sur celui de l’homme sanguinolent et de ses doigts cuirassés écarta les mèches rouges du visage de son ami. Ce dernier poussa un râle de douleur et fixa de ses yeux déjà annonciateurs de son trépas l’homme casqué, cherchant vainement de ses doigts à s’accrocher à la cuirasse de son ancien compagnon de jeu.

« Elle n’est jamais seule.. Méfie toi du fauve... »

Le regard du mourant se fit vitreux et bientôt toute vie s’éclipsa de son corps.
Le garde opulent s’était approché de son second et plaça une main qui se voulait réconfortante sur son épaule.
«Il n’est plus Braham.»
Piétinant de ses pieds le sol, un des défenseurs de la ville s’apprêtait à faire demi tour vers la cité quand ses yeux se plissèrent. Un éclair roux était venu se faufiler à travers les murs d’enceinte.





« Tu es là ? » Un soupir plus qu’un murmure.
« Comme toujours. » , chuchota Eda de sa voix douce qui se voulait rassurante.
La jeune femme se douta qu’un mince sourire devait s’afficher aux lèvres de son amie et ne put s’empêcher de faire de même.


Dernière édition par Grumpy le Dim 19 Déc - 21:19, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Pêle-mêle d'une destinée   Pêle-mêle d'une destinée EmptyJeu 11 Nov - 23:41

Vision furtive



Braham avait insisté pour ramener lui même le cadavre. Alors que par le passé son ami disposait d’une carrure imposante aujourd’hui la silhouette était devenue fluette. Comme vidé de son sang, le corps se balançait au rythme des pas du garde attristé. Les bras pendaient le long de l’armure clinquante de Braham et des perles de sang venaient colorées le gris métal. Le passage du garde fut salué par les inclinations de tête de ses frères d’armes, partageant le désarroi de leur ami.

Le visage crispé, le garde peinait à cacher ses émotions tandis qu’assurant sa prise sur les haillons du cadavre il marchait vers la place de la bourgade encore endormie. Poussant un juron, le garde remonta d’un coup d’épaule le cadavre qui glissait inexorablement le long de l’armure. Les volets claquaient au dessus de sa tête, la ville s’éveillait et ne tarderait plus à apprendre la mort du charpentier. Le garde pressa le pas, il ne s’agissait pas d’affoler la populace davantage. Cependant déjà les marchands sortaient des cagettes de leurs échoppes pour venir les déposer sur leurs étals, les fermiers quand à eux menaient leurs bêtes vers la place d’une voix rauque alors que deux ou trois gamins galopaient le long de ces processions. D’un revers de main, Braham essuya une larme qui coulait sur sa joue, son ami ne verrait plus jamais Tholdnor La Luxuriante..

Les galopins avaient arrêté de trotter, il s’étaient figés à l’approche du garde qui apportait avec lui une triste nouvelle. Des doigts interrogateurs s’étaient levés vers le nouveau venu et bientôt les cris des métayers s’étaient tus. Les marchands, les cagettes encore dans les bras, s’étaient immobilisés et tentaient, les yeux plissés, de retrouver à qui appartenaient les traits du cadavre. Le silence se faisait pesant, seuls les pas réguliers du garde continuait à amener une once de vie à cette ville désormais figée. Braham renacla n’appréciant guère ce calme si soudain qui ne laissait présager rien de bon. Obligé de zigzaguer entre les badauds immobilisés au milieu de la voie, son allure plus lente lui causa un crispation de mâchoires. Cela n’allait plus tarder, il le savait et inconsciemment il comptait.. Un. Alors qu’il contournait un badaud qui lui adressa une moue de torpeur, le regard du garde se posa sur un homme au visage parsemé de taches rousses, des copeaux de bois saupoudraient encore sa cape brune. L’ébéniste. Deux. C’est avec une démarche hésitante que Braham s’avança vers lui, il ne faisait nul doute que celui-là reconnaîtrait le cadavre.. Alors que le garde esquissait un faible sourire, il vit sortir de derrière les jambes de l’ébéniste un petit corps à la bouille ronde et aux cheveux noués en de petites tresses; oui c’était bien elle. Trois. Tandis que les deux paires de yeux scrutaient le corps que portait Braham, le garde jura de nouveau. Il jouait de malchance, la fillette lui faisant face était désormais orpheline. Sa mère emportée depuis quelques années déjà par une mauvaise grippe, et son père qui désormais gisait sans vie sur les épaules du garde. Braham frôla les deux êtres tandis que des perles de sueurs coulaient le long de son front heureusement masqué par son heaume. Quatre. Il s ‘apprêtait à reprendre son souffle, quelque peu rassuré de n’avoir pas été le témoin d’une scène de pleurs, quand un hurlement de douleur retentit. Cinq..

Des pas légers se firent entendre derrière ceux du garde, et bientôt une petite main vint se glisser dans celle cuirassée de Braham. La tête de celui-ci s’abaissa vers le petit être qui se tenait désormais à ses cotés, et essuyant délicatement son visage ruisselant lui sourit. La fillette tendit une main implorante vers celles du cadavre et Braham vint poser délicatement le corps du mort sur ses genoux. Désormais accroupi, il fût témoin de l’amour inconditionnel que porte une fille à son père. La petite caressa le visage du défunt de ses doigts enfantins et après avoir écarté une à une les mèches ensanglantées de son père lui baisa le front en un mélange de douceur et de ferveur. « Je te ramènerais ton père petite Lucianna. » La fillette se contenta d’adresser au garde son approbation et s’en retourna vers l’ébéniste après avoir salué son père une dernière fois. C’est le poing crispé que Braham reprit sa route le corps du défunt Will sur ses épaules.

La chapelle était désormais en vue, l’homme d’armes traversa en quelques enjambées la place et tambourina la porte de son poing de ferraille. Longtemps, la bâtisse parut ébranlée par l’écho de cette arrivée brutale, et bientôt une figure bouffie et graisseuse émergea de l’embrasure de la porte. D’un coup d’épaule Braham fit retomber le cadavre dans ses bras et le présenta au prêtre. Marquant son épouvante par un haussement de sourcils significatif, l’homme de Dieu le pria d’entrer. Le garde s’effectua et bientôt la porta claqua laissant seuls le prêtre et le cadavre dans une pièce exigüe de la chapelle.Se retournant vers l’unique meuble, l’homme en bure après s’être frotté nerveusement les mains tendit ses doigts bleutés vers une fiole d’où émanait une odeur entêtante. Et tandis que sa main se raffermissait davantage sur l’onguent, il proféra de nombreuses paroles chuchotées censées protéger son âme des attaques du malin. Le curé poussa un long soupir comme rassuré et se saisit enfin du flacon avant de se rapprocher du cadavre qu’il entreprit de déshabiller. Le corps nu portait de nombreuses estafilades et présentait de vilaines ecchymoses. Cependant l’on observait à son bas ventre de nombreux cratères sanguinolents d’où suintait un liquide noirâtre, mélange de sang coagulé et de pue. Le prêtre après avoir esquissé une moue désapprobatrice tâta la chair suppurante avant de s’essuyer les doigts sur une des guenilles du mort.

S’approchant à pas lent de la porte, il caressa de sa main boursouflée son crâne dégarni avant de l’apposer sur la poignée qui tourna. D’un ton solennel, il pria l’un des nombreux curieux assemblés devant la maison de Dieu de lui ramener de l’eau et du linge propre. Avant de regagner ses pénates, il fit signe au garde forestier, lui aussi présent, sans doute attiré par les rumeurs, de le rejoindre. Posant une main sur l’épaule de l ‘homme, le prêtre lui glissa à l’oreille des propos qui furent accueillis par un frisson et une expression d’ahurissement. Le prêtre poussant en avant son compagnon lui fit franchir le seuil en premier, un cri résonna alors dans la chapelle et longtemps l’écho rappela l’effroi que le garde forestier avait eu en croyant voir une silhouette rousse étendue aux côtés du cadavre.

Tandis que le prêtre observait d’un regard inquiet la pièce exiguë, il tendit une choppe à son compagnon assis sur un tabouret, encore choqué par sa vision. S’approchant à pas lents de l’échafaud sur lequel était étendu le cadavre, il se figea. Une mèche rousse seyait désormais la poitrine du corps nu. Se précipitant apeuré vers la porte à cette vue, il tomba lourdement sur le sol s’étant empêtré dans sa bure. Alors qu’il peinait à se relever, son regard fut attiré par un mouvement furtif et bientôt une paire de bottes de teinte vermillon se dressait devant ses yeux. Une silhouette encapuchonnée se tenait immobile devant lui.

Jetant un regard angoissé au garde forestier toujours installé sur le tabouret, il se releva avec lenteur et entreprit de questionner l’être nouvellement apparu, cependant seul le silence répondait aux interrogations de l’homme de Dieu et bientôt totalement paniqué il se jeta sur la porte et tenta de faire tourner la poignée. Le capuchon tomba laissant apparaitre un visage féminin aux traits étirés qui souriait d’un air malicieux. Sortant une main fluette de sous sa cape, elle montra au curé un petit objet métallique, celui-ci se décomposa et s’affala à terre en récitant de nouvelles incantations. Jetant la clé au fond de la pièce exiguë, la jeune femme défit son corsage, se révélant ainsi nue aux deux hommes. Son corps couverts d’hématomes portait une large entaille qui serpentait le long de sa poitrine. Un rire strident emplit la pièce et bientôt la créature féminine se jeta sur l’homme de Dieu en un hurlement bestial. Arrachant la bure du prêtre de ses doigts crochus, elle laboura le crâne de celui-ci de ses ongles avant de se retirer. Se délectant du sang qui coulait désormais le long de ses mains, elle sourit.

Le garde forestier sortant de sa torpeur s’était recroquevillé dans un coin de la pièce et appelait à l’aide en tambourinant sur l’unique fenêtre de la pièce. Laissant l’homme s’égosillait, la jeune femme reporta son attention sur le prêtre qui se traînait désormais au sol, pensant sans doute passer inaperçu. S’approchant de lui d’une démarche légère, elle lui asséna de nombreux coups de dague, coutelas qu’elle avait récupéré dans ses effets déposés à même le sol. Les spasmes nerveux annoncèrent bientôt le trépas de l’homme de Dieu, et délaissant sa proie désormais sans intérêt, la jeune femme rousse s’assit aux côtés du second cadavre que la pièce comptait à présent. Caressant le visage ensanglanté du prêtre, ses doigts s’arrêtèrent avec intérêt sur les yeux encore ouverts du mort et entreprit de les arracher un à un de leurs orbites. Les deux perles laiteuses dans ses mains, elle s’amusa à les faire courir le long de ses doigts, laissant comme preuve de leur passage un filet couleur sang. Relevant soudain les yeux vers le garde forestier qui s’était finalement tu, elle s’approcha de lui, dague en main, après avoir délicatement posé ses bijoux sur un pain de la bure du second cadavre. L’homme ayant vu un changement dans l’attitude de la jeune femme reprit ses appels à l’aide et lança un dernier cri avant que celle-ci ne se jette sur lui. Elle finit par l’achever après de nombreux coups et lui arracha à son tour les yeux avant de s’en retourner vers ses deux premiers trésors. Sa collection contenait désormais deux paires de globes immaculés, et elle reprit son jeu enfantin tandis que des coups de hache étaient portés à l’entrée de la chapelle.
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MessageSujet: Re: Pêle-mêle d'une destinée   Pêle-mêle d'une destinée EmptyJeu 11 Nov - 23:55

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