Cela faisait des heures que l’on marchait, des heures qu’on n’y voyait pas à un mètre à la ronde, des heures que Kleber ne daignait me répondre. J’en avais assez, j’avais faim et j’étais persuadée qu’il ne savait pas plus que moi où on arrivait.
Kleber… On arrive dans combien de temps maintenant ?Dix fois que je lui posais la question et dix fois qu’il l’esquivait.
Dites ça vous dérangerait de me répondre ? On est perdus c’est ça ? On va passer la nuit dehors, on va mourir de froid et on retrouvera nos corps un de ces quatre matins c’est bien ça ?Je le savais j’aurais du rester chez moi. Jamais je n’aurais du quitter ma vie, ma cabane. Seule au moins j’étais tranquille, libre de mes choix, libre de toutes contraintes…
J’avançais ronchonnant, butant dans la moindre pierre qui se mettait sur mon chemin. J’agissais comme une gosse de dix ans, et vu de l’extérieur, je me doutais bien que mon comportement devait être détestable, mais j’avais froid et faim ce qui excusait à mes yeux ce comportement infantile.
Ne bougez plus.Un bras qui me barre la route et qui me rentre dans les côtes, me coupant net la respiration. Je bouillonne mais ne dis rien, y avait il un ennemi, une bête sauvage et féroce ? J’étais inquiète et ça ne me ressemblait pas. Il fut un temps où j’aurais pris un plaisir certain, dans l’attente d’un combat… étais je prête pour revenir à la vie ? Pour combattre à nouveau ?
Nous y sommes presque…Je regardais au travers des faisceaux de lune les prunelles de Kleber…
Comment est ce que vous savez ça ? Je suis certaine que c’est une supercherie pour me faire avancer encore un peu dans les bois. Il fait noir, on n’y voit rien et je suis fatiguée. Vous voulez pas admettre que vous vous êtes planté de direction ? Libre à vous de rester ici, moi j’avance…Je m’arrêtais net, il me laissait le choix, je décidais donc de rester ici.
Son ombre s’avançait à tâtons dans les sous bois. Les branches craquaient sous le poids de Kleber, plongée dans ce silence nocturne, les bruits de la nuit s’éveillaient doucement, insectes rampants, hululement d’oiseaux nocturnes, et ce froid qui engourdissait mes membres. Au loin, j’entendais encore les pas de Kleber…
Rester seule au milieu de ces bois, en pleine nuit ou accompagner Kleber...
Je me mis rapidement à courir, évitant les troncs d’arbres, les racines, m’arrêtant tous les deux mètres pour écouter ces craquements de pas qui me mèneraient vers cet homme.
Kleber…Pas un mot, j’eus pourtant l’impression qu’il avait ralenti ses pas. Je reprenais ma course, jusqu’à ce qu’enfin son ombre apparaisse à nouveau.
Kleber…Il stoppa net sa route, m’arrêtant dans ses pas.
Dîtes, vous ne pourriez pas prévenir lorsque vous vous arrêtez comme ça.
Regardez plutôt et arrêtez cinq minutes de ronchonner.Je veux bien regarder quelque chose mais quoi ? On n’y voit pas à deux mètres. Regardez mieux.Rapide coup d’œil, je ne voyais rien. Nouveau tour d’horizon ; plus insistant cette fois. Une petite lumière brillait dans l’horizon… non, loin de nous se trouvait…
L’auberge…